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Sikorsky S-67 Blackhawk
Sikorsky commence par perdre un concours
L'histoire du "Blackhawk" commença en 1964, quand l'US Army lança la compétition AAFSS (Advanced Aerial Fire Support System) pour son futur hélicoptère de combat. Sikorsky, qui réfléchissait depuis quelque temps à des concepts de ce genre, présenta le S-66. C'était un projet capable de dépasser 400 km/h, avec un rotor anticouple qui devenait propulsif et une voilure qui le transformait en avion à grande vitesse. Un appareil très novateur, mais qui fut rejeté au profit du Lockheed AH-56 "Cheyenne" . La déception fut vive chez Sikorsky, qui voyait lui échapper le secteur des hélicoptères de combat.En attendant des jours meilleurs, la société s'impliqua dans les recherches sur les hélicoptère à grande vitesse, avec la formule du coumpound (rotor + aile). Elle étudia un dérivé du "Sea King", le S-61F (NH-3A). L'appareil effectua son premier vol en juillet 1965. Ses essais confirmèrent l'intérêt du compound.Naissance d'un hélicoptère
L'annonce de l'arrêt de la phase d'industrialisation du programme "Cheyenne" en mai 1969 amena Sikorsky à s'intéresser de nouveau aux hélicoptères de combat. L'idée était simple : si l'Army abandonnait un jour définitivement le "Cheyenne", elle aurait toujours besoin d'un hélicoptère de combat performant. Officiellement, aucune spécification n'était formulée, mais la possibilité de placer un nouvel appareil semblait bien réelle. L'exemple du Bell AH-1 "Cobra", étudié sur fond propres et ensuite acheté par l'Army encourageait Sikorsky à lancer un nouveau projet. De plus, plusieurs pays d'Europe et du Moyen Orient manifestaient de l'intérêt pour le concept d'hélicoptère de combat, ce qui laissait espérer des marchés à l'exportation.Comme toutes les conditions pour proposer un hélicoptère semblaient réunies, les premières études informelles commencèrent dans l'été 1969. Des responsables de l'Army furent consultés pour établir un cahier des charges susceptible de répondre à leurs attentes. L'objectif consistait à réaliser un hélicoptère presque aussi performant que le "Cheyenne", pour un prix bien moindre. Rapidement, il fut décidé de prendre un maximum d'éléments déjà existants, en utilisant comme base le S-61, dont les différentes versions étaient en service dans la Navy (SH-3 "Sea King") et l'Air Force (CH-3 et HH-3).Le président de Sikorsky, Wes Kuhrt, lança officiellement le projet en janvier 1970. Pour lui garantir un maximum de chance, un démonstrateur allait effectuer des présentations en vol. Deux conditions encadraient sa mise au point : le futur hélicoptère devait être construit en mois de 10 mois pour 3 millions de dollars, un véritable défit pour mettre au point un appareil capable de dépasser 300 km/h ! .Le S-67 "Blackhawk"
Le projet reçut d'abord la dénomination d'AH-3, pour marquer sa filiation avec le SH-3 "Sea king", comme l'AH-1 "Cobra" avec le UH-1 "Huey". Le rotor, la transmission et les turbines provenaient d'un S-61 classique. Cela permettait de limiter les coûts d'études et d'essais. Le fuselage et les ailes étaient vraiment nouveaux. L'équipage se constituait de deux hommes installés en tandem. Le poste avant devait recevoir le pointeur-tireur, alors que le pilote s'installait derrière. Cependant, le prototype pouvait être piloté depuis les deux postes. L'appareil reçut une cabine derrière l'habitacle, afin qu'il puisse servir dans différentes types de missions. Elle devait permettre d'embarquer 6 hommes à bord, ce qui laissait la possibilité de réaliser des missions de recherche et de sauvetage.Les premières études envisageaient l'installation d'une voilure de 10.6 m d'envergure ! Elle fut cependant ramenée à 8.3 m après essai en soufflerie. Les ailes devaient permettre d'atteindre de grande vitesse en soulageant le rotor au delà de 300 km/h. Mais l'appareil ne comportait aucun dispositif spécial pour voler vite, comme des réacteurs (S-61F, XH-51A "Compound") ou le rotor propulsif du "Cheyenne". La voilure présentait une particularité : trois volets étaient installés sur chaque aile. Ils faisaient fonction d'aérofrein et servaient de spoiler, afin d'améliorer la maniabilité de l'appareil. Le pilote les contrôlait avec un bouton sur le manche de pas collectif. Il est à noter que l'empennage arrière pouvait pivoter sur 90°, afin de réduire la traînée en vol vertical. Les entrées d'air des turbines furent adaptées pour fonctionner correctement au delà de 300 km/h. Dernière transformation : les extrémités des pales présentaient une flèche de 20°, ce qui avait pour effet de réduire les vibrations et d'abaisser le niveau sonore tout en améliorant la vitesse de pointe. Finalement, l'AH-3 ne ressemblait plus du tout au "Sea King". Il reçut donc la dénomination de S-67 "Blackhawk" en juillet 1970.Un hélicoptère brillant
Une petite équipe fut mis en place à Stratford, siège de Sikorsky, pour concevoir le S-67. Kenneth E. Horsey, remplacé en 1971 par R. Corey, en assura la direction. Sikorsky s'inspira de la méthode des Skunk Works de Lockheed pour mener son projet, avec une équipe réduite et une gestion très souple. Kurt Canon et Byron Graham furent sélectionnés pour être les pilotes d'essai. Cette équipe remplira toutes les conditions exigées au début du programme. Le S-67 vola pour la première fois le 20 août 1970, pour une somme inférieure de cent milles dollars aux prévisions ! Le plus dure restait cependant à faire : imposer le "Blackhawk".Les essais en vol permirent très rapidement de mettre en valeur ses performances. Une série de records fut battue. Piloté par Byron Graham, il atteignit 348.9 km/h sur une distance de 3 km le 14 décembre 1970. Le 19 décembre, Kurt Canon portait le record sur 25 km à 335 km/h. L'appareil affichait alors une dizaine d'heures de vol ! Le programme bénéficia d'une série de contrat limités de l'Army pour réaliser les essais des volets et d'autres éléments, en attendant une évaluation officielle à grande échelle. Pour terminer au plus vite les premiers essais, Sikorsky décida de ne pas le présenter au salon du Bourget 1971. L'Army pouvait en effet à tout moment décidé de procédé à son évaluation. Quelques pays s'étaient déjà déclarés intéressés par l'appareil, comme Israël ou l'Allemagne Fédérale.Plusieurs améliorations étaient envisagées pour une version opérationnelle : des turbines plus puissantes (General Electric T58-GE-16 de 1870 ch ou Lycoming PLT27 de 2000 ch), une cabine plus grande, capable de recevoir 15 soldats. Sikorsky proposait un système inédit de largage des pales pour permettre l'installation de sièges éjectables (une solution reprise sur le S-72 RSRA).L'évaluation de l'Army
L'année 1972 fut capitale pour le S-67. En effet, fin juillet, l'Army annonça l'abandon du programme "Cheyenne", ce qui relançait la possibilité de placer le S-67. L'Army procéda officiellement à son évaluation, en même temps que le Bell 309 "KingCobra". Jamais l'espoir le voir entrer en service dans l'Army ne sembla plus proche. Plusieurs pilotes de l'Army Aviation Systems Test Activity effectuèrent une campagne d'essai. Leurs conclusions furent pour le moins décevantes puisque le S-67 ne fut pas jugé meilleur que l'AH-56 ou le "KingCobra". Les responsables de l'Army décidèrent de lancer un nouveau programme d'hélicoptère de combat, l'AAH (Advanced Attack Helicopter), très différent dans sa philosophie des concepts qui avait présidé l'étude du AH-56 et du S-67. Fort de son expérience avec le "Blackhawk", Sikorsky proposa le S-71, qui reprenait le rotor du S-70 avec un fuselage inspiré du S-67. Le projet fut malheureusement repoussé en juin 1973 au profit du Bell 409 (YAH-63) et du Hughes 77 (YAH-64).Le S-67 court le monde
Sikorsky conserva longtemps l'espoir de le placer à l'étranger, non sans raisons. Le futur AAH ne devait pas entrer en service avant le début des années quatre-vingt, ce qui laissait le temps de trouver des clients. Ses performances étaient bien supérieures à celles du Bell "Cobra". Le "Cheyenne" coûtait beaucoup trop cher. Son seul handicap, rédhibitoire, venait de l'absence de commande par l'US Army.L'équipe de vente de Sikorsky assura une intense promotion. Le premier pays visé fut l'Iran. Le S-67 fut présenté au Chah en personne. Mais ce pays opta finalement pour le Bell AH-1J "International", une version légèrement modifié du AH-1J "SeaCobra" en service dans le corps des Marines. En 1973, le S-67 effectua une grande tournée de démonstration en Europe. Il effectua ainsi plusieurs vols en Allemagne Fédérale.Avec un fenestron !
A la fin de l'année 1973, l'Army demanda que le "Blackhawk" soit modifié pour effectuer des essais avec un rotor anticouple caréné. Ce dispositif était évidemment directement inspiré du Fenestron de la "Gazelle" ! Ce nouveau rotor mesurait 1,41 m de diamètre (contre 3,17 m pour l'originel). Son installation obligea les ingénieurs à modifier l'empennage. Il tournait plus vite et nécessitait plus de puissance, mais permettait de réduire sensiblement le niveau sonore. Le S-67 effectua avec une série de vols et atteignit alors 370 km/h en piqué, soit sa vitesse maximale. Le rotor caréné fut ensuite démonté et le "Blackhawk" retrouva sa première configuration. Ce rotor caréné fut repris sur le S-76 "Fantail" et équipe le RAH-66 "Comanche".C'est dans cette période que le S-67 donna la pleine mesure de ses possibilités. Il pouvait effectuer des manouvres jusqu'à 3 g, en réalisant des figures de voltige. L'appareil affichait au mois de juillet 700 heures de vol. Il fut doté de plusieurs types de tourelles :la TAT 140 (Tactical Armament Turret) avec un canon de 30 mm, ou la M197 avec le canon multitubes de 20 mm installé en principe sur le "Cobra". Sikorsky proposait l'intégration du missile air-air AIM-9 "Sidewinder" pour assurer l'autodéfense du S-67 ou même qu'il puisse mener des missions de chasse sur le champ de bataille. Ce fut la première fois qu'un hélicoptère de chasse fut proposé. Théoriquement, jusqu'à 14 "Sidewinder" pouvaient être emportés. Le démonstrateur vola avec deux maquettes en bout d'aile.Le "Blackhawk" s'écrase
L'équipe de vente de Sikorsky ne ménageait pas ses efforts pour placer le S-67. John A.McKenna, vice-président de Sikorsky exposait bien le problème de ce démonstrateur en disant : "Les dix premières ventes sont les plus dures à réaliser". Les contacts se multiplièrent à travers le monde. Une délégation israélienne se déplaça à Stratford au début du mois de juillet 1974. L'Iran s'intéressait toujours à ce concept d'hélicoptère armé polyvalent. L'Espagne manifesta de l'intérêt. L'appareil était proposé pour un prix d'environ 3 millions de dollars, avec une disponibilité de 14 mois après réception d'une commande.Sikorsky décida de le présenter au salon de Farnborough en septembre 1974. Les 27 et 28 août, l'appareil répéta le programme qui devait être présenté, avec notamment plusieurs figures de voltige. 1er septembre, Kurt Canon (pilote) et Stewart Craig (copilote) devait effectuer un vol de routine pour la presse, le premier jour du salon. la démonstration commença parfaitement. Elle devait s'achever sur deux tonneaux. Cependant, Kurt Canon commença la première manouvre à trop basse altitude, et ne cabra pas suffisamment l'hélicoptère, de sorte qu'il bascula. Les pales percutèrent le sol et l'appareil s'écrasa en explosant. Stewart Craig fut tué sur le coup. Transporté d'urgence à l'hôpital, Kurt Canon devait mourir des suites de ses blessures quelques jours plus tard.La perte de l'unique prototype signifiait l'arrêt du programme. Sikorsky ne s'acharna pas plus et abandonna le "Blackhawk" pour se concentrer sur le S-70, un autre "Black Hawk" désormais bien mieux connu.- Caractéristiques :
Nationalité : Américaine
Constructeur : Sikorsky
Date de mise en service : 1970
Nombre d'exemplaire : 1
Rôle : Hélicoptère d'attaque au sol
Equipage : 2 plus 8 soldats
Envergure : 8.30 m
Longueur : 19.70 m (fuselage), 22.60 m (hors tout)
Hauteur : 4.50 m
Diamètre du rotor : 18.90 m
Poids à vide : 5681 kg
Poids maxi au décollage : 11010 kg
Moteur : Deux turbines G.E. T58-GE-5
Puissance : 1 500 ch unitaire
Vitesse maxi : 370 km/h
Vitesse de croisière : 311 km/h
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