Au printemps 1916, les escadrilles de chasse allemandes commencèrent à perdre la suprématie aérienne dont elles avaient bénéficié pendant des mois grâce à leurs monoplans Fokker. Les Alliés disposaient maintenant en première ligne de nouveaux biplans de chasse beaucoup plus agiles, difficiles à contrer. Il ne restait donc plus à lAllemagne quà développer ses propres biplans de chasse légers, dénommés avions D. Dès mars 1916, les premiers appels doffres furent lancés auprès des constructeurs aéronautiques.
Les usines Albatros Flugzeugwerke, qui sétaient jusque là consacrées avec succès à la construction davions dobservation, se lancèrent dans la mise au point du chasseur D I, sous la direction de lingénieur en chef Robert Thelen. Ce biplan haubané à un mât doté dailes supérieure et inférieure de même profondeur et envergure possédait un fuselage recouvert de contreplaqué et à structure semi-monocoque. De conception aérodynamique avancée pour lépoque, le fuselage, allié à lempennage vertical demi-circulaire, conférait à lavion une silhouette élancée facilement reconnaissable. Dans un premier temps, les avions étaient équipés soit dun moteur Benz Bz III dune puissance de 110 kW soit dun moteur Daimler D III de 120 kW. Les moteurs étaient intégrés au maximum dans la structure du fuselage, ce qui accroissait encore les caractéristiques aérodynamiques de lavion. Le seul élément véritablement saillant était le radiateur placé sur le côté gauche du fuselage.
LAlbatros D I, entré en unité en septembre 1916, y fit ses preuves; quelque 50 exemplaires furent construits. Son seul problème était laile supérieure, un peu trop haute, qui limitait dans certains cas la visibilité du pilote. Il fut remplacé pour cette raison, dès lautomne 1916, par une version améliorée, lAlbatros D II, dont laile supérieure avait été rabaissée dune bonne quarantaine de centimètres en modifiant les longerons et qui se trouvait maintenant à hauteur des yeux du pilote. Par la même occasion, une autre amélioration avait été apportée à lappareil, cette fois sur le plan aérodynamique : le radiateur était ici monté à plat sur la partie centrale de la voilure supérieure. Au total, ce sont 275 Albatros D II, équipés des moteurs Daimler D III développant 120 kW, qui furent construits. Par ailleurs, lavion fut fabriqué sous licence en Autriche-Hongrie, sous le nom dOeffag D II, avec une motorisation Austro-Daimler de 120 kW.
Alors que la production série du D II était en cours, les usines Albatros développèrent une version améliorée, le D III, appelé à succéder aux modèles précédents et présentant une nouvelle configuration des ailes, avec une aile inférieure nettement réduite en surface et en profondeur et une aile supérieure augmentée en proportion inverse. Ces modifications sinspiraient du Nieuport 11 de la France, dont la conception et les performances avaient fortement impressionné tant les pilotes que les ingénieurs allemands. Dautant plus quils pouvaient maintenant en étudier les détails techniques sur les premières prises de guerre. Le secret du Nieuport 11 semblait résider principalement dans la conception de la voilure : une aile supérieure de taille importante et une aile inférieure nettement plus petite, qui faisait de lappareil un sesquiplan. Cette configuration de voilure apporta au D III un accroissement de lefficacité des ailerons, mais le gain en performances par rapport aux modèles précédents savéra plus faible quon ne lavait espéré. Seule la vitesse ascensionnelle sen trouva sensiblement accrue. Par ailleurs, la visibilité du pilote vers le bas était considérablement améliorée, explication éventuelle à lorigine de la réduction de laile inférieure. Les autres modifications par rapport aux D I et D II concernaient les longerons extérieurs des ailes. Là aussi, on copia la configuration du Nieuport 11 en remplaçant les mâts par une structure en V. En revanche, lavion conservait le moteur Daimler D III développant 120 kW. Les travaux sur le premier prototype avaient démarré fin juillet / début août 1916. La date du vol inaugural nest pas connue avec certitude, on suppose quil a eu lieu fin août ou début septembre 1916. Dans les premiers jours de décembre de la même année, les premiers avions furent envoyés au front.
Fin 1917 début 1918, lusine mère de Berlin, implantée à Johannisthal et son annexe de Schneidemühl en Allemagne de lEst avaient produit au total plus de 1300 Albatros D III. Ce modèle continua même dêtre fabriqué en parallèle à la production en grande série de son successeur, lAlbatros D V, dans lusine de Johannisthal. LAutriche-Hongrie sétait également très vite intéressée à cet appareil et produisait sous licence une grande quantité de D III dans les usines Oeffag. La motorisation de ces D III(Oef) était la plupart du temps plus puissante que celle des avions allemands, car ils étaient dotés en règle générale de moteurs Austro-Daimler développant 136 kW voire 165 kW. Par contre, leur armement a longtemps manqué de fiabilité. Les appareils Oeffag se caractérisaient par la possibilité dintégrer complètement le moteur au fuselage en le carénant. Ceci dit, on enlevait fréquemment les carénages par temps chaud pour éviter une surchauffe du moteur.
Globalement, lAlbatros D III séduisait par ses qualités de vol, même si lefficacité des ailerons laissait à désirer. Lavion était néanmoins doté dune grande agilité, dune bonne vitesse ascensionnelle et dune rapidité suffisante pour faire regagner aux forces aériennes allemandes leur suprématie aérienne sur le front de lOuest pendant un bon bout de temps. Jusquà lété 1917, le D III navait rien à envier à ses adversaires, surtout lorsquil était piloté par des pilotes chevronnés, et, dun avis général, il passait pour un avion de chasse très efficace. Les pilotes des forces alliées, en revanche, ne tenaient pas en grande estime ses caractéristiques de vol et avaient du mal à comprendre comment leurs collègues allemands arrivaient à remporter de tels succès sur cet avion.
LAlbatros D III resta jusquà la fin de la guerre lavion de chasse allemand le plus utilisé sur un plan quantitatif et on le rencontrait sur presque tous les fronts, même en Palestine. Il nempêche que lAlbatros D III devait constamment affronter des problèmes techniques, parfois très graves. Lappareil résistait très mal à une descente en piqué en vol plané dassez longue durée, pourtant souvent inévitable en combat aérien. Dune part pour plonger et échapper ainsi à un adversaire et dautre part pour un vol de poursuite ou pour prendre de la hauteur et attaquer ladversaire en position de force. Et cest précisément dans ce type de situation que les deux surfaces portantes avaient tendance à se mettre rapidement à flotter, autrement dit à vibrer en rotation et en torsion. A lépoque, on ne savait pas comment maîtriser ce phénomène. La voilure sétant toujours révélée suffisamment stable lors des essais de résistance structurelle, on ne savait pas vraiment comment résoudre le problème des ruptures daile. Il ne restait plus quà conseiller aux pilotes déviter dans la mesure du possible ce type de manuvre. Ces ruptures daile coûtèrent néanmoins la vie à de nombreux pilotes de chasse allemands. En fait, la cause alors méconnue - de ce problème résidait dans la conception monolongeron de laile inférieure, - copie conforme du Nieuport 11 dont la rigidité en torsion nétait pas suffisante pour lAlbatros D III, doté dune motorisation nettement plus puissante et presque deux fois plus lourd que le Nieuport. Les appareils autrichiens, en revanche, furent tous équipés de nouvelles ailes inférieures rigides en torsion, de conception maison, Oeffag en ayant même fait une condition sine qua non à une fabrication sous licence. On ne saura dailleurs jamais pourquoi cette nouvelle conception de voilure inférieure na pas été adoptée en production par la maison mère allemande.
Caractéristiques :