Au moment où naissait en France une Armée de l'Air indépendante, le gouvernement français s'intéressait fortement au concept d'avion polyvalent inventé par le général italien Giulio Douhet : ce multiplace de combat devait assurer les missions de bombardement et jour comme de nuit ou de grande reconnaissance; rapide, lourdement chargé de bombes et protégé de toutes parts par de nombreuses mitrailleuses, cet avion "trois en un" coûtait beaucoup moins cher et les crédits alloués à lArmée de lair naissante étaient maigres. Fin 1928 le STAé lança un programme de multiplaces de combat (M4) pour assurer le remplacement des bombardiers Lioré et Olivier LeO 20 et Farman F.60 datant de la fin de la Première Guerre mondiale. Ce programme donna naissance aux Blériot 137, Breguet 410, Farman F.211, SPCA 30 et Amiot 140.
L'Amiot 143 en service :
L'État-major de l'Armée de l'Air ayant le soucis de montrer qu'elle n'oubliait pas les colonies, souhaitait organiser un certain nombre de missions outre-mer. C'est dans ce contexte que l'Amiot 143 n°100 [E327] décolla de Villacoublay le 20 octobre 1936 pour une mission de reconnaissance vers l'Indochine. Utilisant les routes commerciales et les infrastructures des Imperial Airways, de KLM ou d'Air Orient, il regagna Villacoublay le 15 décembre après avoir visité Hanoï et Saïgon. L'étape suivante consistait à regrouper Tunis une centaine d'appareils pour des manuvres aériennes dans les territoires coloniaux fin 1937, et en particulier, d'envoyuer 3 Amiot 143 à Madagascar. Ors si la route de Madagascar était connue des équipages d'Air Afrique, elle était inhabituelle pour les militaires. Embarquer un équipage militaire sur un vol régulier semblant impossible, il fut donc décidé de louer un bimoteur à la compagnie aérienne. Simplement désarmé, l'Amiot 143 n°88 [E 312] reçut un certificat de navigabilité le 20 septembre 1937 avec immatriculation civile [F-AQDZ]. Dès le 16 septembre un équipage civil comprenant le pilote Lambert, le radio Faucher, et les mécaniciens Desseigne et Spinelli, effectuèrent des essais de prise en main en région parisienne. L'avion quitta Le Bourget le 21 septembre pour Marignane avec pour passagers les Capitaines Paul et Hucliez et le lieutenant Frébillot. Après une liaison Marignane-Alger en PSV, l'Amiot va gagner El Golea, Aoulef, Gao, Zinder, Fort Lamy, Bangui, Stanleyville, Elisabethville, Broken Hill, Tete et enfin Ivato avec un ravitaillement au Mozambique. Arrivés le 2 octobre à Tananarive, les 7 hommes repartirent en sens inverse le 8 octobre et se posèrent sans encombre au Bourget le 14 octobre.
Malgré les prévisions du Plan V de rééquipement de l'Armée de l'Air, 91 Amiot 143 constituaient encore en août 1939, avec les Bloch 210, léquipement de base du bombardement français, équipant les GB I/34 et II/34 du Bourget, GB II/35 de Lyon-Bron, GB I/38 et II/38 de Caen. 29 autres bimoteurs étaient dans les écoles et 6 stockés. Durant la Drôle de guerre la 34e Escadre effectua des lâchers de tracts et des reconnaissances sur lAllemagne. Reconnaissant pourtant la vétusté de lappareil, lEtat-major décida en décembre 1939 de nemployer les Amiot 143 que de nuit et en mars 1940 les GB I/63 et II/63, dont le rééquipement sur Amiot 143 avait commencé au Maroc en avril 1939, reçurent des Martin 167F, les Amiot étant transférés à lécole de bombardement de Marrakech.
Lors de l'offensive allemande du 10 mai 1940, les Amiot 143 des 34 et 38ème escadres effectuent des missions de nuit. Le 14 mai, les quatre GB I/34, II/34, I/38 et 2/38 recoivent l'ordre d'aller de jour bombarder les ponts de bateaux mis en place à Sedan dans la nuit et sur lesquels passent depuis l'aube les 1ère, 2ème et 10ème Panzers conduites par le général Gudérian. Cette "mission de sacrifice" ne servira à rien par suite d'un malencontreux changement de l'objectif à atteindre et du comportement non conforme aux ordres donnés de plusieurs unités envoyées sur Sedan. Seul 8 Amiots 143 des GB I/34 et II/34 effectueront complètement la mission ; l'appareil du Commandant de Laubier, chef du GB II/34 sera abattu au dessus de Sedan.
45 avions ayant été détruits durant la Campagne de France, on recensait 52 Amiot 143 en Zone Libre à lArmistice, et 25 en Afrique du Nord. Les GB I/38 et II/38, repliés à Istres, les utilisèrent pour des missions de transport jusquen juillet 1941. Regroupés en Groupe de Marche pour participer à la Campagne de Syrie, ces appareils regagnèrent la France pour constituer la 3e escadrille du GT I/15, formée le 14 juillet 1941 et transformée en GT III/15 en octobre suivant. Quelques appareils furent détruits par les Alliés débarquant en Afrique du Nord, mais le GT I/36 (ex III/15) utilisait encore 4 Amiot 143 durant la Campagne de Tunisie en janvier 1943. Ils furent réformés début 1944 par manque de pièces détachées.
Les Versions :
Caractéristiques :
Nationalité : Française
Constructeur : Amiot
Date du premier vol : Août 1934
Date de mise en service : 1934
Nombre d'exemplaire : 138
Rôle : Bombardier
Equipage : 5
Envergure : 24.45 m
Longueur : 18.24 m
Hauteur : 5.13 m
Surface alaire : 96.00 m²
Poids à vide : 5 455 kg
Poids maxi au décollage : 10 360 kg
Moteur : Deux Gnome & Rhône 14Kirs
Puissance : 870 ch unitaire
Vitesse maxi : 295 km/h à 3 400 m
Vitesse de croisière : 250 km/h
Taux de montée : 2 000 m en 6 min et 8 s
Plafond : 9 700 m
Autonomie : 1 300 km
Armement : Une mitrailleuse de 7.5 mm en tourelle avant, une en tourelle supérieure et une en poste arrière inférieure et 900 kg de bombes