Vers un chasseur de supériorité aérienne
Au début des années 80, l'Air Force continua cette grande phase de défrichement pour définir ce chasseur du futur. Le F-15 arrivait alors à pleine maturité, et il fallait songer à sa succession sur le moyen terme. La première phase consista à définir ce nouveau chasseur, tant du point de vue des caractéristiques que des missions à accomplires. Fallait-il un avion uniquement dédié à la chasse ou plutôt un appareil polyvalent ? A quel degré devait-on intégrer les avancées en matière de furtivité qu'avaient permis les programmes XST et du F-117 ?
En 1981, le programme fut lancé sous le nom de code de Senior Sky. Il fallait trouver un avion qui allait faire face aux nouveaux chasseurs Soviétiques alors en pleine phase de mise au point. Nul doute que les prototypes alors désignés par l'OTAN RAM-L (futur MiG-29) et RAM-J (Sukhoi SU-27) furent soigneusement étudiés grâce aux renseignements fournis par les satellites et les réseaux d'espionnage (tout comme l'ATF le fut certainement !). Le Sukhoi SU-27 "Flanker" effectua son premier vol en mai 1977, suivi par le MiG-29 "Fulcrum" en octobre 1977. Ils promettaient de faire au moins jeux égale avec le F-15, remettant en cause l'avancée technologique des Américains. Ce contexte de guerre froide, avec comme corollaire la compétition technologique entre les deux blocs, va entraîner l'apparition d'un super chasseur. Il devait être très en avance par rapport à ses compétiteurs. L'Air Force chercha ce qui se faisait de mieux dans tous les domaines. Ce programme reçut l'acronyme d'ATF (Advanced Tactical Fighter). Il faut remarquer qu'il naissait au début de la présidence de Ronald Reagan. Ce dernier impulsa à cette époque toute une série de grands programmes de défense, dans le dessein de faire face au "Diable communiste". Par exemple, le bombardier B-1 et le missile balistique MX furent relancés. Les études d'un avion cargo (futur C-17) ou d'un avion d'entraînement (T-46) furent initiées simultanément avec l'ATF. Dans tout les domaines, l'Amérique devait faire face.
Les programmes de recherche
Plusieurs programmes de recherche devaient permettre d'explorer différents domaines dans les technologies à employer pour l'ATF. Le plus important fut probablement l'AFTI (Advanced Fighter Technology Integration), mené en collaboration entre l'Air Force et la NASA depuis les années 70. Il concerna un F-16, transformé avec un empennage canard à l'avant et de nouvelles commandes de vol. Le F-16 ATFI (NF-16A) vola à partir de juillet 1982. Un F-111/AFTI doté d'une aile à cambrure variable MAW (Mission Adaptive Wing) étudiée par Boeing vola à partir d'octobre 1985. Signalons aussi le Grumman X-29, qui explora le concept d'aile à flèche inversée. Il effectua son premier vol le 14 décembre 1984. En septembre 1983, L'Air Force demanda aux ingénieurs de McDonnell Douglas d'étudier un F-15 doté de tuyères bidimensionnelles à poussée vectorielle. Ce programme F-15/SMTD (STOL Manoeuvring Technology Demonstrator) avait pour objectif de permettre des décollages et atterrissages courts, tout en améliorant la manouvrabilité. Le F-15/SMTD (NF-15B) vola à partir de septembre 1988, se montrant capable de décoller en 475 mètres à pleine charge. Enfin, dans le plus grand secret, plusieurs démonstrateurs s'attaquaient à la furtivité. Le XST avait volé en 1977, suivi en 1981 par le F-117. Si beaucoup des techniques défrichées ici et là ne furent pas reprises par la suite, elles permirent néanmoins de mieux définir l'ATF.
Vitesse de croisière
En 1983, le programme ATF commença à prendre sa vitesse de croisière. Un bureau ATF (System Program Office) situé sur la base de Wright Patterson (Ohio) fut officiellement chargé de conduire le programme. D'abord dirigé par le Colonel Albert Piccirillo, il relevait de l'Aeronautical Systems Division. L'ATF prenait forme petit à petit : Il serait bimoteur, capable d'atteindre de grande vitesse tout en restant très maniable. Son concept pouvait se définir comme un avion de supériorité aérienne capable d'accomplir sa mission au-dessus de l'Allemagne en ayant décollé depuis une base située en Angleterre. Ce choix d'un avion spécialisé dans les missions de supériorité aérienne s'expliquait par la décision de l'Air Force d'acquérir un avion d'attaque dans le cadre du programme ETF (Enhanced Tactical Fighter puis DFR Dual Role Fighter) qu'elle avait lancé en 1982. le F-15E Strike Eagle, un dérivé du F-15 l'emporta en février 1984 contre le General Dynamics F-16E/F. Les capacités air-sol étaient donc secondaires sur l'ATF.
En mai 1983, le développement des futurs moteurs fut initié avec le programme AFE (Advanced Fighter Engine), puis JAFE (Joint Advanced Fighter Engine), alors même que l'avion qu'ils devaient propulser n'était pas complètement défini ! Pratt & Whitney proposa le PW5000, et General Electric le GE37. L'objectif consistait à mettre au point un réacteur capable de fournir une poussée égale ou supérieure à 15 tonnes, avec une fiabilité supérieure aux moteurs existants, comme le Pratt & Whitney F100 du F-15. Le futur chasseur se devait aussi d'avoir un armement à la pointe du progrès. Son arme principale allait être le missile AMRAAM (Advanced Medium Range Air to Air Missile), dont l'étude avait été lancé à la fin des années 70 par l'Air Force et la Navy afin de remplacer le Sparrow. La particularité de ce missile était sa fonction "tir et oubli". Il allait permettre à un chasseur de lancer un AMRAAM sur un objectif, puis de passer immédiatement sur une autre cible. L'avionique ne fut pas oubliée : le programme Pave Pillar devait conduire à une "révolution" dans ce domaine. Il fallait concevoir des systèmes beaucoup plus rapides et puissants, néanmoins sans submerger le pilote d'informations.
Les ténors de l'industrie aérospatiale américaine travaillaient sur l'ATF : Boeing, General Dynamics, Grumman, Lockheed, Mc Donnell Douglas, Northrop et Rockwell. Ils reçurent en septembre 1983 un premier contrat de 550 millions de dollars pour la conception de leurs projets.
Il fallut attendre la fin de l'année 1984 pour que les premières spécifications soient annoncées. Elles indiquaient bien combien l'ATF se voulait ambitieux. L'ATF devait avoir les caractéristiques suivantes :
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- - un rayon d'action de 1287 km.
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- - Décoller en moins de 610 m.
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- - Atterrir sur un courte distance grâce à l'utilisation d'inverseurs
- de poussée (cette exigence sera abandonnée en 1987).
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- - Peser en charge 22 tonnes.
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- - Etre plus facile a entretenir que le F-15, avec des coûts plus bas
- et des cycles d'entretient moins fréquents.
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- - Atteindre en croisière Mach 1,4.
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Cette dernière exigence le plaçait très en avance par rapport aux performances alors atteintes par les chasseurs en service. Ces derniers pouvaient atteindre et même dépasser cette vitesse, mais seulement pour des périodes limitées. Il fallait dans ce cas utiliser la réchauffe sur les moteurs, ce qui faisait exploser la consommation en carburant et limitait de fait le rayon d'action. Ici l'USAF parlait du concept de "super croisière", c'est à dire le dépassement de la vitesse du son sans l'utilisation de la réchauffe. D'autres critères avaient leur importance : le prix à l'unité ne devait pas dépasser les 40 millions de dollars et la maintenance devait être grandement améliorée en terme de coût par rapport au F-15. L'ATF était donc un chasseur de supériorité aérienne, aussi lourd et rapide qu'un intercepteur pur, aussi maniable qu'un chasseur. Il devait pouvoir se mesurer à l'ensemble de l'arsenal soviétique : intercepter un bombardier Tu-22 "Backfire", rattraper un MiG-25 et affronter en combat tournoyant un MiG-29. L'Air Force envisageait une série de 750 exemplaires, qui devaient entrer en service vers 1995.
A cette époque, le choix du futur ATF devait se faire sur le papier, chaque concurrent potentiel devant effectuer des essais en soufflerie avec des maquettes.
Deux projets face à face
En septembre 1985, le Request For Proposal qui lançait pleinement le programme fut adressé aux différents constructeurs. Les projets devaient être présentés avant le mois de janvier 1986 (cette date fut rapidement repoussée au mois de juillet). Le programme ATF connu un premier changement, quand au mois de mai 1986 il fut décidé de mettre face à face deux concurrents lors d'essais en vol. Cette pratique, dite aussi "Fly before by" (ou vol avant achat) fut instituée au début des années 70, quand le secrétaire à la Défense David Packard chercha une solution au dépassement de coût des programmes militaires, une véritable "maladie" qui affecta le F-111, le C-5 Galaxy ou encore l'AH-56 Cheyenne. Elle fut dès lors appliquée régulièrement, comme pour le LWF (LightWeight Fighter), un chasseur léger - futur F-16, l'AMST (Advanced Medium STOL Transport) pour un avion de transport qui s'affronter le Boeing YC-14 et le McDonnell Douglas YC-15, ou l'AHH (Advanced Attack Helicopter), un hélicoptère d'attaque pour l'Army qui donna l'AH-64 Apache. Son principal avantage consistait à trouver la meilleure solution par une émulation entre les bureaux d'étude, même si l'un des concurrent devait être abandonné. Deux projets d'ATF allaient donc s'affronter lors de la phase DEM/VAL (Demonstration/validation). Le gagnant devait ensuite poursuivre la phase Manufacturing Development (EMD) avant la construction en série.
Les équipes se forment
Il apparut à plusieurs constructeurs qu'il fallait s'associer dans ce programme pour le moins ambitieux. Mc Donnell Douglas et Northrop se mirent d'accord pour travailler ensemble. Cette équipe n'était pas nouvelle et présentait plusieurs points forts. En effet, ces deux constructeurs étaient déjà ensemble avec le programme du F/A-18 Hornet. Chacun pouvait se targuer de maîtriser un certains nombres de domaines de compétences. En matière de chasseur, Northrop avait conçu récemment le YF-17 puis le F-20 Tigershark. McDonnell Douglas avait l'expérience du F-4 Phantom II et surtout du F-15 Eagle. Pour les technologies à mettre en ouvre, Northrop s'imposa comme le spécialiste de la furtivité (comme Lockheed dans l'équipe adverse). Les recherches dataient du programme XST, perdu contre le projet de Lockheed. Elles furent ensuite reprises sur le démonstrateur Tacit Blue. Cette machine aux lignes si étranges, baptisée "la baleine", permis d'explorer de nouvelles technologies en matière de furtivité, et notamment l'abandon des formes à facettes comme pour le F-117 pour des lignes plus sinueuses. Tacit Blue vola entre février 1982 et février 1985. Le bombardier B-2, qui vola en 1989, permit ensuite d'affiner les recherches.
Caractéristiques du Northrop Tacit Blue
- Envergure : 14.6 m
- Longueur : 17 m
- Hauteur : 3.21 m
- Masse : 13590 kg
- Vitesse de croisière : 463 km/h
- Altitude opérationnelle : entre 7600 m et 9100 m.
- Moteurs : deux Garrett ATF3-6 de 2370 kg de poussée.
YF-22 contre YF-23
Le 31 octobre 1986, le secrétaire à l'Air Force Edward Aldridge annonça que l'équipe Lockheed/General Dynamics/Boeing allait affronter Northrop/McDonnell Douglas. Le premier projet reçu la dénomination de YF-22A, le second celle d'YF-23A. Les projets menés par des équipes avaient été ici privilégiés : Rockwell et Grumman étaient éliminés. Chaque équipe bénéficia d'un contrat de 691 millions de dollars pour mener son projet - il était entendu que des fonds propres devaient aussi être investis parallèlement. Deux prototypes du YF-22 et du YF-23 allaient être construits, chacun destiné à recevoir l'un des moteurs en compétition.
Un chasseur aux formes élancées
Northrop était le maître d'ouvre du YF-23. Les ingénieurs dessinèrent un avion aux formes élancées. Il se présentait avec des ailes en diamant, dont le bord d'attaque et le bord de fuite présente le même angle de flèche (40°). L'empennage papillon constituait l'une des caractéristiques les plus notables. Chaque dérive était complètement mobile. Les réacteurs formaient deux bosses au dessus du fuselage. Leurs entrées d'air furent particulièrement soignées, afin de dissimuler les aubes des réacteurs. Pour les tuyères, la poussée vectorielle ne fut pas adoptée, contrairement au YF-22. Il faut y voir la volonté d'assurer le plus possible la furtivité de l'appareil, puisque les tuyères d'éjection se situaient au dessus du fuselage. Cela permettait aussi un gain de poids. L'abandon des inverseurs de poussée avait permis cette disposition.
Tout comme son concurrent, le YF-23 se présentait comme un chasseur un peu plus grand que le F-15. Cela se matérialisait par le fait qu'il emportait 70% de carburant en plus qu'un F-15 ! (10886 kg contre 6103 kg. Le YF-22 en emportait 11340 kg). L'autonomie avait donc été privilégie, tout en gardant une très bonne manouvrabilité. L'ATF ainsi fut le premier avion de combat à marier les qualités d'un chasseur pure comme le F-86 et celle d'un intercepteur comme le Convair F-106 Delta Dart ou le Lockheed YF-12 (ce dernier étant cependant resté à l'état de prototype).
Pour garantire sa furtivité, l'ATF devait pouvoir mener une mission classique avec son armement dans une ou plusieurs soutes. Pour l'YF-23, les ingénieurs adoptèrent une seule soute. Elle permettait d'emporter 4 missiles AIM-120 AMRAAM installés les uns au dessus des autres. Selon plusieurs sources, il fut envisagé d'installer une soute supplémentaire, capable de recevoir 2 missiles Sidewinder ou AMRAAM. L'intégration d'un canon M61 Vulcan fut par ailleurs prévue. Les matériaux composites entraient à hauteur de 25% dans la fabrication des différents éléments (la version de série aurait du en comprendre plus de 40%).
Sous la direction de David Spong, l'équipe de McDonnell Douglas s'occupa de la conception de l'avant et du milieu du fuselage, des trains d'atterrissage et de la soute (le train d'atterrissage avant était dérivé de celui du F-15, le train arrière du F/A-18). Northrop conçu la partie arrière avec les empennages, ainsi que de la mise au point des commandes de vol. L'assemblage final devant se faire à l'usine Northrop d'Hawthorne, en Californie.
La signature radar fut mesurée dans les installations Northrop de Tejon Canyon, situé dans les montagnes Tehachapi en Californie. Des maquettes y furent utilisées pour simuler le degré de furtivité du projet. Ces installations avaient déjà servi, en autre, pour Tacit Blue et le B-2.
Des réacteurs perfectionnés
Pour les réacteurs, Pratt & Whitney et General Electric reçurent en juin 1986 un contrat pour développer respectivement le YF119 et le YF120. Le YF119 avait une architecture relativement classique : C'est un turboréacteur double flux, composé d'une soufflante à trois étages, d'un compresseur multi-étage doté d'aubes tournant en sens inverse de la soufflante et de deux turbines haute et basse pression contrarotatives. Le YF120 présentait quelques innovations : il était conçu autours de l'idée de "cycle variable", afin d'optimiser le fonctionnement du moteur par rapport à la vitesse. A basse vitesse, le YF120 fonctionnait comme un turboréacteur à double flux, ce qui réduisait la consommation. A grande vitesse, il se comportait comme un réacteur à simple flux, alors plus efficace que le double flux. Il comprenait 40% d'éléments en moins par rapport aux F110 qui équipait le F-16. Le YF120 avait une soufflante à deux étages et d'une turbine haute pression.
Une version embarquée ?
En juin 1988, il fut annoncé qu'une version embarquée (dite NATF pour Navy Tactical Fighter) serait mise au point pour la Navy. En fait, le Congrès imposa cette exigence, qui devait permettre de réaliser des économies. Entre 400 et 600 exemplaires devaient s'ajouter à la commande initiale de l'Air Force. En retour, l'Air Force était priée de s'intégrer dans le programme d'avion d'attaque ATA (Advanced Tactical Aircraft) qui allait déboucher sur le A-12. Cette version embarquée ne simplifiait évidemment pas la conception du futur chasseur. L'exemple de l'échec de la version embarquée du F-111 (F-111B) contribua à rendre tout le monde méfiant envers cette idée séduisante sur le papier (Elle sera ensuite reprise avec le programme JSF). En principe, certains éléments étaient communs entre les deux programmes, comme le système de protection électronique INEWS (INtegrated Electronic Warfare System). Il faut remarquer que McDonnell Douglas assurait la conception du A-12 avec General Dynamics.
Le programme ATF évolue
Les essais en vol commencèrent en juillet 1989, quand le BAC 111 (N162W) qui servait de banc d'essai pour l'avionique effectua son premier vol. Des contraintes budgétaires entraînèrent un premier délai dans le programme ATF en janvier 1989. Il fut de nouveau repoussé au mois d'octobre. Un peu plus tard, il fut annoncé que le prix à l'unité atteindrait 43 millions de dollars. La production de série ne serait pas lancée avant 1996, avec 48 avions par an, contre 72 selon les premières prévisions. Ce ralentissement faisait suite aux bouleversements géostratégiques. La chute du mur de Berlin en novembre 1989 amena la fin de la guerre froide, et donc une remise en cause de tous les programmes de défense. En effet, la course technologique était-elle encore nécessaire dans ce contexte ? C'est donc logiquement qu'à cette époque furent présentés quelques alternatives au programme ATF. Il fut ainsi proposé un F-15XX. Il reprenait une cellule de F-15 avec une avionique modernisée - d'une certaine manière un F-15 avec les systèmes électroniques de l'ATF. Le projet fut cependant rapidement abandonné, de même que celui d'un ATF monomoteur. La guerre du Golfe et les 28 victoires aériennes du F-15 relancèrent l'intérêt pour un chasseur lourd de supériorité aérienne. Le programme ATF entrait dans la phase de compétition en vol.
Les essais en vol
Northrop assembla deux exemplaires du YF-23. Le premier, dit PAV-1 (pour Prototype Air Vehicle), reçu deux Pratt & Whitney YF119. Son Serial Number était 87-800 et son immatriculation civile N231YF. Le PAV-2 (N232YF - 87-0801) était propulsé par les General Electric YF120.
Le premier YF-23 (PAV-1) fut présenté au public à Edwards, le 22 juin 1990. Les essais de roulage commencèrent ensuite. Ils mirent en lumière des problèmes de "Shimmy" sur le train d'atterrissage, ce qui retarda la date du premier vol. Le 27 août, Paul Metz décolla pour un premier vol de 20 minutes. Ce vol se déroula sans gros problème, excepté des problèmes sur le train d'atterrissage. Le F-15 et le F-16 qui lui servirent d'escorte durent déclencher leurs réchauffes pour le suivre, ce qui démontrait sa puissance ! L'YF-23 avait devancé son concurrent, puisque le YF-22 s'envola un mois après. Trois jours plus tard, le YF-23 vola à nouveau. Cette sortie fut malheureusement interrompue par des problèmes sur les réacteurs, qui émirent une fumée noire. Mais le calendrier des essais put être respecté. Le YF-23 effectua un ravitaillement en vol avec un KC-135 dès la quatrième sortie, le 14 septembre. A cette occasion, il vola pendant plus de 3 heures et atteignit Mach 0.95. Le 18 septembre, il atteignit Mach 1.43 en régime "super croisière". Il effectua son 34 et dernier vol le 30 novembre.
Le PAV-2 effectua son premier vol le 27 octobre avec Jim Sandberg aux commandes. Cette sortie de 44 minutes permis au pilote de constater l'absence de différences avec le prototype PAV-1 équipé des Pratt & Whitney YF119. Le 29 novembre, avec Mach 1.6 en "super croisière" - Le YF-22 atteindra Mach 1.5. Les YF-23 volèrent en tout un peu plus de 7 heures en "super croisière". Il s'imposa comme le plus rapide des compétiteurs avec Mach 1.8 en pointe La dernière sortie se déroula le 18 décembre (le YF-22 vola pour la dernière fois le 28 décembre). Les YF-23 totalisèrent 65 heures de vol en 50 sorties. Les YF-22 alignèrent de leur coté 74 sorties et 91 heures de vol. Le YF-23 ne reçu pas de nom officiel, mais il fut appelé officieusement Black Widow II, en souvenir du chasseur de nuit P-61 Black Widow construit par Northrop à la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Il semble que PAV-1 reçu le surnom de "Gray Ghost", alors que PAV-2 fut dénommé "Spider".
Le YF-23 perd
Il fallait ensuite procéder aux dépouillements des données et à la comparaison des dossiers remis par les industriels. La décision finale, si elle prit en compte les essais en vol, se basait aussi et surtout sur la comparaison d'une multitude de critères, comme les coûts, les risques technologiques ou la situation économique des industriels. Si toutes les données relatives aux essais en vol ne sont pas disponibles, il est possible d'établire les particularités entre le YF-22 et le YF-23. L'une des plus notables concerne les vols à hautes incidences. Le YF-22 atteignit 60° le 17 décembre, alors que son concurrent "seulement" 25 ° (mais des essais en soufflerie avait eux aussi permis d'atteindre 60°). Par contre, le YF-23 se montra un peu plus rapide. Le YF-22 avait effectué des essais d'ouverture de ses soutes et de largage de missiles, ce qui n'avait pas été le cas pour le YF-23. Mais cela n'était pas imposé par le cahier des charges.
Le 23 avril 1991 le couperet tomba : le secrétaire à l'Air Force Donald Rice annonça la victoire Lockheed avec le YF-22 et Pratt & Whitney avec le réacteur F119.
L'héritage
Les deux YF-23 furent livrés au centre d'essais en vol de la NASA à Edwards. Mais ils ne devaient de nouveau voler, puisqu'ils allaient servir en principe de bancs d'essais au sol. Les réacteurs furent donc retirés. Les YF-23 furent en fait plus ou moins abandonnés, et en 1995 donnés à des musées. Northrop assura une restauration légère avant le transfert du PAV-2 au Western Museum of Flight. Le PAV-1 est dans les collections du musée d'Edwards.
Quel bilan peut-on tirer du YF-23 ? Son échec final sonna le glas de McDonnell Douglas dans le domaine des avions militaires. Il coïncidait en effet avec l'arrêt du programme A-12 au mois de janvier 1991 (événement qui mis fin par la même occasion au NATF). Pour McDonnell Douglas, le YF-23 fut par la suite utile dans la conception du drone X-36, chargé d'explorer de nouvelles voies pour une autre génération de chasseurs. Pour Northrop, c'était le troisième programme de chasseur qui finissait sur un échec, après ceux du YF-17 et du F-20. Mais le YF-23 servit sans aucun doute à avancer dans la compréhension des technologies furtives. Il restera néanmoins à jamais dans l'ombre du F-22
Caractéristiques
- Longueur : 20.54 m
- Envergure : 13.29 m
- Surface alaire : 88.25 m
- Hauteur : 4.24 m
- Masse à vide : 14970 kg
- Masse max : 29030 kg
- Capacité interne en carburant : 10886 kg
- Propulsion : deux Pratt & Whitney YF119-PW-100 (PAV 1) ou deux General Electric YF120-GE-100 (PAV 2) (10645 kg à sec, 15855 kg avec postcombustion).
Profils de l'avion :

